Formation et transfert de compétences : comment les concilier à l’opérationnalité de la situation de travail ?
Une problématique et des méthodes solutions //
Cette problématique est le quotidien de nombreux responsables de formation. Il est souvent tentant de suivre telle formation car une compétence devient médiatique. Mais la réalité du métier des entreprises est souvent plus complexe. Heureusement, des solutions existent : une approche opérationnelle, le modèle de Kirkpatrick et une vision expérimentée par notre Academy by Apside qui donne ses premiers résultats.
Réflexion sur une approche opérationnelle de la formation et du transfert de compétence //
L’approche opérationnelle consiste à centrer l’ingénierie de formation sur la ou les compétences opérationnelles à acquérir tout en s’appuyant sur le principe d’alignement pédagogique [1]. Elle se déroule en 6 étapes distinctes et successives (figure 1). Pour résumer ce processus, il s’agit de débuter l’ingénierie par la formulation de la compétence opérationnelle pour l’achever par la vérification de sa bonne application dans la situation de travail par les salariés formés.
Figure 1 : Processus d’ingénierie de formation centré sur la compétence opérationnelle
> Expression du contrat pédagogique
Concrètement, une fois l’objectif opérationnel formulé, la première étape consiste à le transcrire en un ou plusieurs objectifs pédagogiques. La deuxième, vise à décomposer chacun des objectifs pédagogiques en sous-objectifs pédagogiques. Une fois ces deux premières phases validées, la troisième étape s’attache à déduire de chacune des capacités précitées les activités et les tâches et/ou les concepts et points clés qu’elles abordent.
> Ingénierie pédagogique
Le contrat pédagogique de la formation ainsi posé, l’ingénierie pédagogique débute. La quatrième étape comprend ainsi la conception des activités pédagogiques qui permettront à l’apprenant d’atteindre les capacités édictées dans le contrat pédagogique et la réalisation des différentes ressources multimédia qui en résultent. Cet aspect pédagogique s’avère déterminant dans la recherche de pertinence de la future action de formation. Une clé consiste à privilégier une approche plurimodale du dispositif (asynchrone/synchrone, active/passive, individuelle/collective, présentielle/distancielle, tutorée/autoportée) et une typologie variée d’activités produites en s’assurant de placer l’apprenant au centre de cette construction. Découlant du principe d’alignement pédagogique, la cinquième étape s’intéresse alors aux activités de contrôle de la bonne acquisition des activités et tâches et/ou des concepts et des points clés. Ces activités de validation, tout comme celles de l’étape précédente, doivent être cohérentes avec le niveau d’ambition porté par les sous-objectifs et les objectifs pédagogiques de la formation. Cette cohérence fait directement écho aux six niveaux d’acquisition de la compétence de la taxonomie de Bloom [2]. La sixième étape enfin, essentielle pour répondre à la problématique d’efficience de la formation, vise à accompagner le transfert des apports transmis à la situation de travail par chacun des apprenants. Ce point, cher à l’AFEST (action de formation en situation de travail), est souvent omis dans les ingénieries de formation dite « traditionnelles », or il nous apparaît fondamental pour répondre aux enjeux de la montée en compétence des apprenants.
> Exemple de mise en œuvre avec une compétence fictive
Pour faciliter la compréhension du processus décrit, il est possible de proposer un exemple pour chacune des 6 étapes à partir d’une compétence opérationnelle fictive. En réalité, il convient de noter que plusieurs objectifs et sous-pédagogiques devraient être décrits et qu’il en résulterait également bien d’autres activités dans les étapes suivantes que celles indiquées dans la figure 2.
Figure 2 : exemple de concrétisation du processus
Modèle de Kickpatrick ou la prévalence du résultat //
Aussi, avant de présenter une ingénierie conduite au sein de notre académie d’entreprise basée sur ce processus centré sur la compétence opérationnelle, il semble opportun de proposer une seconde piste de réflexion. Il s’agit d’appuyer la démarche ingénierique sur le modèle de Kirkpatrick et des différents niveaux d’évaluation de la formation qu’il propose. Si les deux premiers, Reaction et Learning, sont bien connus et mis en œuvre, les deux suivants le sont souvent beaucoup moins. Pourtant, ces derniers s’intéressent plus précisément à l’ambition discutée. En effet, le 3e niveau du modèle de Kirkpatrick, Behavior, s’intéresse à l’impact de la formation sur l’opérationnalité de l’apprenant quand le 4e, Results, mesure sa performance sur la productivité de l’entreprise.
Figure 3 : Le modèle de Kirkpatrick
> Typologie des phases d’évaluation
Pour mettre en œuvre ces 4 niveaux, il est possible d’apposer en face de chacun des quatre niveaux du modèle un type d’évaluation (figure 4). La typologie d’évaluation permet de transposer le modèle de Kirkpatrick pour le concrétiser dans une échelle de temps en lien avec l’action de formation. On note, dans cette 5e figure, la récurrence de l’activité d’auto-évaluation par le rappel expansé des apports de la formation.
Figure 4 : Le modèle de Kirkpatrick et la typologie d’évaluation de la formation
Figure 5 : La typologie de la formation dans la durée
Si l’attendu pour une entreprise est de mesurer le retour sur investissement d’une action de formation, notre académie, avant cet accessit ultime, s’est donnée une première échéance à travers l’atteinte du 3e niveau du modèle. Il s’agit justement de s’assurer du transfert des apports de la formation à la situation de travail à travers son accompagnement et son évaluation.
Comment implémenter ces deux pistes de réflexion dans une ingénierie de formation dite « traditionnelle » ? //
Si la réponse de notre académie dépasse le cadre énoncé et répond également à d’autres contraintes liées par exemple à la dispersion des apprenants ou à leur faible disponibilité en journée, elle propose bien une implémentation du troisième niveau du modèle de Kirkpatrick en lien avec l’opérationnalité.
L’académie préconise une décomposition de l’action de formation en trois phases (figure 6) :
- • 1ère phase de préformation consacrée à l’onboarding et au positionnement des apprenants (brise-glace, démonstration et prise en main des outils, exercice de questionnement sur les capacités à acquérir et retour sur les prérequis de la formation),
- • 2e phase dite formation d’apports, d’illustration, de mises en situation pratique par binôme (projet fil de rouge) et de retours d’expérience de pairs expérimentés lors des master-classes,
- • 3e phase de post-formation de transfert à la situation de travail coachée par un pair (projet d’intention) et de rappel des apports de la formation ponctuée par une soutenance.
La dernière phase de 12 semaines vise à accompagner le transfert des apports de la formation à l’opérationnalité de l’apprenant.
Figure 6 : les 3 phases de l’action de formation chez Apside
> Comment ce mécanisme s’opère-t-il ?
À l’issue de la phase de formation, l’apprenant définit un projet d’intention à partir du document de synthèse des apports de la formation, de leur application dans le projet fil rouge et de leur projection à des situations réelles témoignées par les pairs expérimentés. En clair, il choisit les apports relatifs à son contexte professionnel qui sont susceptibles d’améliorer ses pratiques. Ce projet d’intention validé par le formateur et le coach désigné pour la période l’apprenant met en application les apports sélectionnés au quotidien. Un suivi mensuel des projets d’intention est organisé par le formateur et un suivi individualisé hebdomadaire l’est par le pair expérimenté pour l’apprenant qu’il accompagne.
À l’issue de la post-formation, un jury composé du formateur, du coach, du manager de contact et d’un membre de l’équipe pédagogique reçoit en soutenance l’apprenant pour juger du succès de l’action de formation. Pratiquement, l’apprenant rappelle son contexte et son projet d’intention, présente ses mises en application, les difficultés rencontrées et leur résolution et établit un bilan à travers l’auto-évaluation du transfert des apports à sa situation de travail et de sa progression opérationnelle. Ensuite, le coach donne son avis sur la conduite du projet et sur l’acquisition de l’opérationnalité cible. Enfin, le manager de contact évalue à son tour la montée en compétences de l’apprenant. Le jury statut et l’apprenant se voit délivrer une attestation de suivi ou de réussite de la formation.
Les deux premières promotions de la formation dispensées auprès de nos clients, leader de l’industrie et de l’aéronautique, nous ont permis d’ajuster cette ingénierie, de conforter notre approche, et de tendre à valider l’atteinte de l’objectif posé : concilier formation et transfert de compétences à l’opérationnalité de la situation de travail. Le prochain cap s’annonce déjà avec l’atteinte du 4e niveau du modèle de Kirkpatrick : la mesure du retour sur investissement d’une formation.
Ressources :
[1] https://youtu.be/mwELcHPB3Kw
[2] https://fr.wikipedia.org/wiki/Taxonomie_de_Bloom
[3] Formation hors AFEST et full digitale.